Plus de trente ans depuis sa tragique disparition, Minnie Riperton reste toujours une fidèle alliée des différentes play-lists, quel que soit le moment de la journée. Bien que son ascension fut brusquement interrompue par la maladie, la chanteuse a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique afro-américaine. Une compilation de ses meilleurs titres a vu le jour en 2016, l’occasion de revenir en quelques lignes sur sa brève carrière, si intense fut-elle au cours des années 70.
Il y a de ces voix que l’on oublie jamais, celle de Minnie Riperton en fait partie pour de nombreux amateurs de « soul music ». Artiste exceptionnelle, repérée dans un lycée de l’Illinois, ce visage d’ange possédait une registre vocal hors du commun, une vraie « Castafiore » à éloigner de la vaisselle en cristal. C’est dans « The Gems » où elle fit ses débuts sur scène à 15 ans, puis dans l’orchestre multiracial « The Rotary Connection », connu pour le titre : « I am the black gold of the sun », que les Américains ont pu découvrir ce joyau brut. Dès le second album de la grosse formation de Chicago : « Aladdin », sorti en 1968, Riperton y multiplie les apparitions aux chœurs, prêche la belle parole au milieu d’un pays qui se bat parallèlement pour ses droits civiques. Seul bémol chez les Rotary, l’ensemble privilégie trop le côté instrumental et la belle a des envies d’indépendance, elle se sent à l’étroit dans cet environnement baroque. Comme un besoin de suivre les tendances du moment.
Une fausse naïveté
Telle une fleur en pleine éclosion – paroles qu’elle a chanté dans « Les Fleurs », remise au goût du jour par 4 Hero’s faithful en 2001-, Minnie exprime librement sa joie de vivre et sa candeur face à un monde qui la laisse perplexe. Dans son premier opus « Come to my garden » (1970), au titre assez évocateur, elle présente un univers rempli de sensibilité, soulevant plusieurs aspects de la métaphysique. Musicalement, l’ensemble respire les « Seventies » avec des teintes de soul psychédélique. Produit par Charles Stepney et par celui qui deviendra son mari plus tard, Richard Rudolph, il connaît un succès encourageant, ce qui lui permet de se faire un nom parmi les chanteuses les plus prometteuses du pays. Nombreuses d’entre elles s’inspiraient particulièrement d’une Diana Ross, déjà bien reconnue depuis quasiment une décennie grâce à « The Supremes ».
« Perfect Angel », datant de 1974, a suivi les courants qui émergent lors de cette période charnière. A la Soul, s’ajoutent les riffs Funk, le son Disco se veut irrémédiablement plus présent. Michael Sembello (chanteur de Maniac en 1983) fait groover le superbe « Reasons », qui claque sans le moindre temps mort. L’ouvrage est supervisé par Stevie Wonder en personne, épris d’une admiration particulière pour Minnie Riperton. A Los Angeles, loin de chez elle, l’innocente gagne en maturité. A présent la plantureuse pimente ses textes. Là-voici vindicative, sulfureuse, et débordante de sex-appeal ! Nul être normalement constitué ne peut rester de marbre en écoutant son « Take a little trip », du poison sonore écrit par l’homme aux lunettes noires.
« Seeing you this way » nous emmène dans un voyage infini, à destination d’un monde imaginaire qui se voudrait parfait. Riperton s’en prend également à des phénomènes plus terrestres. Maman depuis peu de la petite Maya Rudolph (aujourd’hui actrice), elle sort du placard une berceuse destinée à sa fille : « Lovin’you », convaincue par Wonder de la rendre publique. Le pianiste loin d’être dupe, y incorpore du piano électrique et une guitare discrète. Riperton surprend par sa manière à brouiller les pistes, là voici de nouveau angélique avec cette ritournelle qu’elle vocalise à merveille. Elle semble se diriger vers une carrière exceptionnelle, endossant chaque rôle qu’on lui propose avec brio. Tantôt rebelle, tantôt docile…
Chienne de vie
Lors de la promotion du disque suivant « Adventures in Paradise » (1975), toujours aussi rempli de métaphores, Minnie frôle une première catastrophe, étant à deux doigts de se faire harponner par un lion lors d’une séance photo. Sereine comme tout, elle évite le fauve et pose finalement avec lui, immortalisant la pochette. Interviewée quelques mois plus tard dans l’émission « Sammy & Company Show », elle revient avec humour sur l’épisode. En terme qualitatif, le troisième projet solo de la chanteuse s’inscrit comme l’album le plus abouti musicalement, bien impulsé par Stewart Levine (co-producteur du tube « Street Life » des Crusaders en 1979). Il contient « Inside my love », qui deviendra par la suite comme le morceau phare de la carrière de Minnie Riperton, samplé à maintes reprises par d’autres musiciens depuis (Tribe Called Quest, Cutee B, Tupac, Aaliyah, La Fine Equipe…).
En août 1976, l’artiste fait une annonce retentissante en plein milieu du populaire « The tonight show » de Flip Wilson. On vient de lui diagnostiquer un cancer du sein, alors qu’elle n’a pas même pas trente ans. Le verdict des médecins est sans appel, la voici condamnée à survivre quelques mois seulement, peu importe le traitement. Contre nature, elle s’accroche à ce qu’elle a de plus cher, imprègne ses souffrances le temps de deux albums supplémentaires « Stay in Love » (1977) et « Minnie » (1979), qui sortira l’année de son départ vers d’autres cieux. Affaiblie par un système immunitaire en perdition, elle aura tout de même pris le temps de saluer son public s’acquittant de deux dernières tournées comme d’une dette éternelle envers la musique.

Riperton & Wonder : sacré duo
« Aussi longtemps qu’elle a pu vivre, cette femme a vécu intensément. Sa voix était si magique, pleine d’énergie positive. J’ai été chanceux d’avoir connu cette personne si parfaite, un ange irréprochable. Elle restera à jamais dans mon cœur. »
Stevie Wonder
Son best-of à découvrir ou à réécouter :