Mc Donalds n’a plus besoin de se faire connaître aujourd’hui. Présent dans près de 120 pays dans le monde, il règne en maître dans l’industrie du fast food et dépense chaque jour pour améliorer son image. Cependant en 2005, la multinationale qui siège à Oak Brook (Illinois) a tenté de tout mélanger en proposant d’acheter d’éventuelles stars du hip hop. L’artiste de rue qui se dope au « Big Mac » dans ses clips, le dossier est finalement resté aux oubliettes…
S’il y a bien un détail, et non des moindres, que la firme McDonalds a négligé lors du dernier volet de sa trilogie publicitaire : « I’m lovin it », c’est que le Big Mac, illustre sandwich au demeurant, n’a jamais été un produit bling bling aux yeux des consommateurs américains. Pourtant en ce début d’année 2005, suite au partenariat avec l’entreprise Maven Stratégies, reine du placement de produit, le géant du fast-food a opté pour une campagne assez particulière en son genre, visant le public entre 15 et 35 ans.
Au pays du hip-hop, le but était de proposer à des rappeurs d’insérer le terme « Big Mac » dans une de leurs chansons. Si elle était validée par le comité présidé par Tony Rome (PDG de Maven Stratégies), les MC’s retenus pouvaient bénéficier d’une compensation financière exponentielle en rapport avec la diffusion du morceau choisi en interne. Une fourchette entre 1 et 5 dollars à chaque diffusion, vous imaginez bien que les dossiers de candidatures ont dû être nombreux : « L’idée essentielle reste de permettre aux artistes de faire ce qu’ils savent faire de mieux. Nous leur laissons apporter leur créativité pour mettre ce produit du quotidien en valeur. » , malin le Tony Rome, qui se voyait à l’époque réaliser l’un des coups du siècle. Pari perdu …

Vous reprendrez bien un peu de sauce spéciale ?
Le peuple a dit non
L’été se devait être « Big Mac », il n’en fût rien, bien au contraire. Une année tout juste après la sortie au box office du controversé « Super Size Me », mettant en scène un Morgan Spurlock, prêt à une expérience dingue à base de menu Best of à outrance, le business plan de Maven Stratégies n’a pas connu le triomphe escompté. En pleine lutte contre l’obésité, surtout chez les plus jeunes, l’opinion publique américaine n’a pas du tout adhéré au concept. Promulguer les mérites d’un sandwich hyper calorique, ce n’était pas le bon moment, tandis que dans les ghettos le surnom « Bouboule » devenait plus qu’usuel au sein des cours d’école. Dès que la nouvelle s’est propagée, de nombreux fans de hip hop sont montés au créneau, menaçant même les « vendus » au point d’envisager de boycotter leur disques, remettant en cause aussi, leur appellation d’artiste.
Dans un récent passé, plusieurs rappeurs avaient opté pour du placement de produit de luxe. Ce fut le cas de Busta Rhymes en 2002, de Jay-Z, de Fifty Cent, de Missy Elliot et même de Snoop Doggy Dogg, qui avaient chanté en bons stakhanovistes pour du cognac Jules Courvoisier, des voitures à prix d’or (Bentley, Porsche, Cadillac), du champagne Dom Perignon, boostant ostensiblement les ventes. Là aussi, il y avait déjà un accord bipartite, avec une gamme de produits plus cohérente vis à vis du train de vie de certains. En effet, quel intérêt de s’afficher avec un vulgaire Big Mac dans un clip ? Un bon moyen de salir sa dernière bagnole avec les petits grains de sésame et la sauce spéciale de ce dernier. Les pionniers dans ce domaine resteront les membres du crew Run Dmc, qui en 1986 avec leur titre « My Adidas », demeuraient bien plus en phase avec une cible prête à tuer pour une paire de “trois bandes”.
Walt Rike, porte-parole de chez Mc Donalds en 2005, semblait lui aussi sûr de son coup : « Mc Do tente de concevoir des programmes qui résonnent le mieux avec ses clients. Nous voulons atteindre les jeunes adultes, si possible en nous adaptant à la musique qu’ils écoutent . L’objectif c’est de les unir culturellement à travers une campagne publicitaire qui utilise un vecteur commun de lien social. » détaillait-il, avant de tomber sur un Nugget AOC : à savoir le docteur Susan Quinn, cofondatrice du groupe de pression CCFC*, suivie d’autres professionnels de santé, qui ont tout fait pour avorter cette idée saugrenue.
Quelle mouche avait donc piqué Mc Donalds ? Cibler une audience jeune, exposée à l’obésité, alors que la firme venait tout juste subir les dommages collatéraux de l’après « Super Size Me ». Devait on rappeler l’état physique et psychique du pauvre Spurlock après son expérience d’un mois ? + 11 kilos dans la brioche, blindé de cholestérol, un foie proche de l’agonie et surtout, une copine nutritionniste à deux doigts d’achever son Bibendum.

Calories for free !!!
Comme si de rien n’était
Le géant du fast-food semblait d’abord réceptif face aux préoccupations étatiques, et a propulsé toute une vague de salades et de sauces allégées, accentuant les bienfaits d’une nourriture bien équilibrée. Puis en niant toute réaction suite à la sortie du film, il a conforté sa position “je m’en foutiste”, faisant étalage grassement de ses intentions marketing. Il s’est moqué du monde et le Big Mac n’a jamais cessé se vendre comme des petits pains, nul besoin d’en faire un buzz retentissant via des clips sur MTV. Et dire que lors de sa création à Delligatti (Pennsylvanie) en 1967, ce sandwich se nommait l’Aristrocrate…
Cliquez pour écouter la seule inspiration filtrée sur le big mac :
En ce qui concerne les artistes et leurs productions, les maquettes envoyées n’ont pas vu le jour. Difficile donc, d’écouter les suggestions autour du Big Mac. Par contre, plusieurs rappeurs américains ont par la suite critiquer Mc Do, chacun y étant allé de son prétexte. De Will Smith qui assurait que les « arches dorées lui tordent le ventre » (morceau Just Cruisin), en passant par un Wyclef Jean (ex Fugees), rancunier dans « Year of the Dragon », citant qu’il voulait pulvériser tout le monde chez Mc Do, y compris le manager qui l’avait viré du temps où il n’était pas l’employé modèle. Un huitième des salariés aux Etats-Unis sont passés par la matrice du Big Mac durant leur carrière. Certains en ont encore une indigestion des années plus tard.
Il y a quelque chose d’unique chez Mc Donalds qui à travers le temps, a généré une fréquentation certaine chez une majorité d’entre nous. C’est vite fait, pas trop mauvais, digéré en rien de temps, du coup on y retourne par facilité sans même en voir une publicité. Quant aux voix du hip hop, elles ont finalement trouvé une issue de secours après ce pied de nez resté dans l’oeuf. Le hip hop avait déjà établi un lien avec le fast food grâce à Puff Daddy notamment, qui en 1994 avait conclu un partenariat bien plus rentable avec le concurrent Burger King. Ils avaient élaboré ensemble le B.I.G Mack, en hommage à deux pionniers du label Bad Boy Record : Notorious Big et Craig Mack.

Mack / Daddy / Big sacré trio de steaks
(Sources : le Monde, hiphopmyway.com)