Plutôt que de rentrer dans de précis détails sur sa carrière de basketteur*, US-Full s’est concentré sur la fascinante personnalité de Kareem Abdul-Jabbar. A 69 ans aujourd’hui, l’ancien pivot américain, meilleur joueur à l’unanimité de la génération 70, s’est récemment rendu en France au nom de la NBA, dont il est l’un des ambassadeurs à présent. Toutes les générations (notamment les plus jeunes grâce à Internet) ont du respect pour cet humaniste qui n’a jamais cessé de s’adonner parallèlement à diverses expériences artistiques, et qui politiquement, a toujours respecté ses convictions. Un esprit sain dans un grand corps sain…
Ferdinand Lewis Alcindor (dit Lew) a toujours eu l’habitude d’être différent des autres, sans pour autant s’en préoccuper. Né un 16 avril comme beaucoup d’autres humains probablement, sa vie bascula une première fois lors qu’il eut 14 ans, et qu’il se fit repérer pour sa grande taille (2,03m déjà). Son premier destin l’a dirigé naturellement vers le basket-ball, sollicité de partout par une horde de recruteurs avisés. En effet, il ne devait pas passer inaperçu lors des photos de classe, d’autant plus qu’il était le seul « Noir » de son école, fréquentée à écrasante majorité par des « Blancs ». Sa famille, originaire de Trinidad & Tobago dans les Caraïbes, l’a toujours encouragé à s’ouvrir aux autres cultures pour faciliter son intégration parmi les plus normaux. Sous les panneaux à l’inverse, c’était bel et bien lui le patron. Les autres cette fois, devaient se mettre au diapason.
Pieds et mains doués
Outre le basket-ball qu’il pratiquait déjà avec assiduité au lycée, Alcindor prenait beaucoup de plaisir à s’initier aux arts martiaux et à écouter du jazz, notamment John Coltrane (qui lui servira plus tard d’inspiration pour son livre). Son père, un policier reconverti, avait commencé sa carrière en tant que tromboniste et lui avait transmis cette passion pour la musique. Lorsqu’il devint universitaire en Californie, loin de son sérail de l’est du pays, il décida de prendre quelques cours de « Jeet Kun Do » avec Bruce Lee, plutôt doué, notamment grâce à la longueur de ses guiboles. Entre les deux, le courant passait plutôt bien et une véritable histoire d’amitié se noua jusqu’au décès tragique de l’acteur en 1973, en plein tournage du cultissime « Jeu de la Mort ».

Une très très grande amitié !
En pleine gloire à ce moment là, Lee avait proposé à Alcindor d’y tourner une scène mémorable. Achevé par Robert Crouse, le film sortira finalement en 1978. Le géant y jouait le rôle d’un grand méchant, donnant du fil à retordre à un « Petit Dragon » à l’apogée de son ascension cinématographique. Cette première dans le cinéma en 1972 ne sera pas la dernière pour Alcindor, puisqu’il remit le couvert plusieurs fois par la suite, notamment dans « Y a t-il un pilote dans l’avion, 1980 » où il joua le rôle d’un co-pilote, mais revenons à nos moutons…
Tous jaloux du Jabbar
Déjà à l’époque de ses envolées à grands coups de pied, la carrière basket d’Alcindor battait son plein. Après trois années universitaires bien remplies, au sein des redoutables Bruins d’UCLA qui remportèrent le titre trois fois d’affilée avec brio, ce dernier avait fait une entrée remarquée en NBA sous le maillot de Milwaukee Bucks, s’inscrivant rapido parmi les vedettes de la grande ligue. Mais avant de franchir ce fameux seuil, Alcindor était devenu un personnage controversé en raison de certains de ses choix, notamment celui de boycotter les Jeux Olympiques de Mexico. Le Los Angeles Times le traitait carrément d’anti-blanc et de raciste-séparatiste. D’autres médias s’en donnaient également à cœur joie sur ce proche affirmé du boxeur à la grande gueule : Mohamed Ali, qui lui était entré en guerre contre les services de recrutement de l’armée américaine.

Abdul-Jabbar dans sa dernière année aux Bucks de Milwaukee
En réalité, il profitait juste de son statut de sportif populaire pour se prononcer en faveur des droits civiques accordés à ses pairs opprimés (rien n’a changé en 2016). Imaginez l’abattement médiatique autour de lui, le jour où il annonça sa conversion à l’Islam, sous le nom de Kareem Abdul-Jabbar (le 1er mai 1971), lui qui a toujours été baigné par ses parents dans le catholicisme de pure tradition. La fracture fut à la fois si douce et si violente qu’il préféra écrire son destin à Los Angeles en Californie, convaincu d’y retrouver un semblant de quiétude après six saisons dans le Wisconsin (1 titre NBA).
A Milwaukee, l’environnement lui devenait hostile, trop insupportable pour songer continuer ainsi. L’acharnement contre sa personne devenait limite irrespirable, comme quelques années auparavant, où la ligue universitaire (NCAA) elle aussi, lui avait cherché des noises, paraphant une excuse légale pour lui interdire de dunker pendant les matchs (Alcindor Rule : saison 67-68). La règle resta d’ailleurs en vigueur jusqu’en 1976. Du grand n’importe quoi…
Transmettre au quotidien
Souvent seul contre tous, Abdul-Jabbar n’est pas devenu par hasard le meilleur marqueur de tous les temps en NBA. Bien sûr, sa longévité exceptionnelle de 20 saisons au top niveau l’a bien aidé à cumuler un max en terme de statistiques, mais tous ceux qui le connaissent de près ou de loin ne sont généralement pas surpris lorsqu’il s’agit d’évoquer son abnégation exemplaire : « Lorsque je suis arrivé aux Lakers, il est venu à ma rencontre et m’a longuement parlé de la culture de la franchise, de son histoire personnelle, sans oublier de mettre en exergue les fondamentaux du basket qui fait gagner. C’est une sage personne qui s’est toujours entraînée beaucoup plus que les autres, qui ne s’est pas fixée sur ses acquis de jeunesse. Il n’a jamais cessé de vouloir progresser. La NBA lui est redevable. », détaillait Ronny Turiaf, rare français à avoir évolué à Los Angeles (entre 2005 et 2009).

Son célèbre Sky-hoop (technique du bras roulé)
Une bête de travail (inventeur du fameux sky-hook), qui a pris le temps de se faire plaisir une fois son immense carrière bouclée, notamment en donnant la réplique dans des séries pour adolescents (Le Prince de Bel-Air, Arnold & Willy, La fête à la maison, Mannix, 21 Jump Street), ou en écrivant des livres, peinard en famille. Son premier recueil (autobiographique) : Giant Steps (Pas de géant, 1983), retrace évidemment tous ces moments où il marqua l’actualité de par sa présence de géant, qu’elle eut été gênante ou non. Il s’est également pris au jeu en devenant entraîneur, mais pour une fois l’expérience ne fut pas une grande réussite.
Maintenant qu’il est grand-père et haut dignitaire auprès du clan Clinton, Abdul-Jabbar voyage paisiblement, se met à la disposition des jeunes générations dans le but de transmettre ses valeurs. Il suffisait de le regarder s’amuser avec les jeunes basketteurs du complexe Charles Moureu (Paris 13e), pour comprendre qu’on avait en face de nous, un ange gardien, attentif aux petits détails du quotidien : « Je conseille de travailler les bases constamment. Apprenez à croire en vos rêves, à vous transcender pour rendre vos coéquipiers meilleurs. Le partage est aussi très important. », leur indiquait-il, avant de repartir rejoindre son fils, domicilié dans la capitale française et de remercier la foule de cet accueil digne de son prestige « Merci pour l’invitation ! », ponctuait-il, dans notre langue, puis il fila entouré d’un impressionnant cortège de gardes du corps.

L’importance de la transmission / Crédits: Pierrick Camerata
*Kareem Abdul-Jabbar en 5 chiffres et records :
218 : le nombre de centimètres qui constituent sa taille. Soit 2m18. Impressionnant !
6 : ses titres NBA obtenus (1 avec les Bucks, 5 avec les Lakers) et ses distinctions de MVP (Meilleur joueur de la saison)
38387 : les points qu’il a inscrits en NBA (soit le plus haut total de l’histoire)
19 : ses sélections au All Star Game NBA dont 18 participations (record)
1995 : l’année de son entrée Temple de la renommée de la NBA (Hall of Fame)
MORCEAUX CHOISIS :
Sur les bavures policières qui se multiplient aux USA :
« J’espère que les responsables de mon pays prendront les décisions nécessaires pour améliorer le climat qui règne actuellement sur nos terres. Personnellement, je n’ai pas de solution, mais je n’imagine pas Donald Trump, capable d’y remédier. »
Sur ces nombreux succès aux Los Angeles Lakers :
« L’arrivée de Magic Johnson restera le moment le plus déterminant de mon histoire avec les Lakers. Il était la pièce manquante de notre puzzle. C’est lui qui a définitivement permis à la franchise de renouer avec le succès. Je lui serai toujours reconnaissant. »

Moi c’est Kareem. Et toi ?
Crédits : Pierrick Camerata
(Sources : www.us-full.com / www.nba.com)