Le temps passe et Joachim n’est toujours pas parvenu à oublier Michael Jordan, grand bien lui fasse. Sa passion pour le basketteur légendaire des Chicago Bulls est restée intacte, au point de lui donner envie de reprendre du service. Il s’est saisi de son beau stylo plume pour décharger sa plus belle cartouche…
Petit, j’ai vite compris que le père Noël n’était que l’opium des cours de récréation. “C’est bien trouvé, c’est du Tomy” disait la téloch. Dès le petit dèj, on nous bombardait la cafetière de conso mémorielle pour que l’on mouline plein gaz vers des icônes « fluo » de supermarché. Il fallait posséder du rêve bien concret, sobrement décliné du « Macdalle » à la housse de couette.
Pour notre génération pas encore éveillée à la culpabilisation environnementale, les US faisaient tourner plein régime de quoi vider les poches des ancêtres et ensevelir le sapin de plastoc’ bariolé. Mais un Noël fut bien différent des autres. Mon oncle insoumis nous faisait un cadeau qui changerait la donne : un décodeur pirate de Canal +.

Exemple de décodeur-pirate Canal +
Là, dans un très chic boîtier VHS de Bruce Lee se trouvait l’accès au nouveau monde, la porte directe vers le sport outre Atlantique et ses dômes climatisés.
Une fin d’aprem pluvieuse, je découvrais la soupe aux joues de Mister George Eddy. Avec sa voix de “Sundae Royal Cheese”, Georgie balançait son top 10 des dunks de la saison. Sur le podium, je découvrais alors le prophète de la lévitation, planant langue tendue vers le PVC, résolument décidé à tout niquer. Face à ce numéro 23 flottant au-dessus d’un parterre d’obèses dopés au combo chips-coca, j’eus la violente certitude que la messe était dite…
Sa majesté ralentissait le chrono, déclenchant sitôt les pieds hors du sol, les premiers bullet-time de l’histoire du porno sportif. Le coup de foudre, le vrai. Les mois et années qui suivirent furent un acharnement autistique pour la discipline. Sur ma petite terrasse, trônait un panneau en plastoc rouge, avec sur la planche la gueule en taille réelle du prédicateur Spalding.
A raison de plusieurs heures par jour, été comme hiver, je switchais et dunkais à m’en brûler les paumes, priant l’instant où j’effleurerais enfin l’arceau.

Libérez le Jordan qui sommeille en vous !
Tonton m’avait montré le chemin. Dans sa piaule constellée aux couleurs de Chicago, était placardé le Saint-Esprit grandeur nature, dans son mètre 98 de bienveillance et d’esthétique marquetée.
Le basket coulait désormais dans nos veines. Les billes, pogs et Megadrive pouvaient bien disparaître, MJ les annihilait d’un « crossover » ou d’une claquette insultante de fluidité.

Cet homme a défié les lois de la gravité
20 ans plus tard, les experts et autres commentateurs chient de la statistique et s’excitent sans relâche sur qui supplantera le prophète dans leurs livres de compte trop frigides. Les successeurs aussi doués soient-ils feront toujours office de Paco Rabanne en chasuble.
Michael Jordan sera certes dépassé, statistiquement, physiquement, financièrement. Et c’est sûrement déjà le cas. Mais qui aujourd’hui pourrait autant violer nos consciences de « basketteux » ?
MJ est arrivé pour combler un vide. Chaque sport, chaque tranche de la société des Nineties avait son chef de file. Avant lui, il y avait certes de la légende en béton armé. Mais qui mieux que lui a su traduire le rêve américain sur un parquet?
MJ a débarqué au bon endroit et au bon moment pour commercialiser du rêve, à l’apogée certaine du consumérisme décomplexé et des chimères bien grasses.
Jordan est de l’ordre du métaphysique, il incarne le basket moderne, il respire le cuir rebondissant, colle aux pattes comme son grip, souffle le crissement du parquet, et chante le grattement du filet, il est de l’essence pure de tout ce que sport a pu véhiculer.
Il n’y aura qu’un seul MJ pour ceux qui goûtent à la pratique. En particulier pour la génération qui portent ses pompes, qui ont maté Space Jam, collectionné les vignettes Panini et saigné du NBA Jam sans se soucier des « Internets ».
Il reste là, survolant de ses ailes magiques et affectueuses les Mario, Sonic, Jackson, Prince et Sangoku, tous bien nichés dans notre panthéon désuet des années 90.
(Sources : www.us-full.com)