Collectionneur de « sneakers » depuis plus d’une trentaine d’années, Max Limol a gardé sa passion de jeunesse bien intacte. En 2015, ce spécialiste a publié « Culture Sneakers », un ouvrage de grande qualité qui revient sur toute une chronologie autour de la chaussure de sport, rempli de photos et de témoignages d’« addicts » tout comme lui. Pour Us-Full.com, nous l’avons rencontré dans la boutique toulousaine spécialisée basket US « Game Time ». On s’y sentait comme à la maison …

Plus qu’un livre, un vrai trésor !
Comment vous est-venue l’idée de publier « Culture Sneakers » ?
“Il y a dix ans, j’avais déjà publié un premier ouvrage sur une thématique sociétale. J’avais trouvé pertinent d’en faire un second, en privilégiant d’écrire sur ma passion. L’idée c’était de remettre au goût du jour la culture « Sneakers ». La plupart des gens font tellement un focus sur le produit en lui-même (la paire de baskets), qu’ils en oublient l’univers qui gravite autour. A partir de la sneaker, je voulais mettre en valeur le sport, la mode, la musique, le « street art », le graffiti sans oublier la danse.”
Qu’est ce qui a déclenché cette passion en vous ?
“A l’âge de huit ans, j’ai commencé à jouer au basket et j’étais très attentif au style des chaussures. Une fois usées, je décortiquais les miennes afin de comprendre les procédés techniques. Pourquoi avaient-elles cette allure ? Pourquoi étaient-elles plus confortables ? J’ai eu la chance, grâce à une partie de ma famille qui y résidait, d’aller plusieurs fois aux États-Unis. Lors de mon premier voyage en 1985, j’ai pu constater qu’il existait une véritable effervescence autour des sneakers. Les ingrédients étaient déjà en place et les choses se sont déroulées naturellement. Dans les années 90, je suis parti étudier à Boston et j’ai séjourné à New York. Ce fut un choc frontal de voir autant d’engouement autour de ce qui était déjà devenu devenir ma passion. J’ai décidé de la cultiver, au point que j’en parle encore aujourd’hui à travers un livre.”

Dès le plus jeune âge, on peut tomber dans l’addiction aux sneakers
Étiez-vous plusieurs dans votre entourage à partager cette passion commune ?
“Au début en France, j’avais l’impression de ne pas être seul à me focaliser là-dessus mais se rencontrer n’était pas aussi évident qu’aujourd’hui. Par contre aux US, j’ai rencontré de nombreux passionnés qui s’étaient déjà pris au jeu. A la base, ce n’était pas un marché pour le grand public. On est passé d’un milieu de connaisseurs un peu fermé à un milieu de passionnés et d’addicts. Au départ, les marques se focalisaient exclusivement sur la performance. Dans la second partie des années 90, ces dernières ont commencé à intégrer performance & style. Elles ont rapproché les départements “marketing et recherche & développement” pour que les retours sur le marché soient conformes aux attentes des consommateurs. Même si l’environnement était propice et favorable, les grandes marques étaient réticentes car le sport était le segment le plus rémunérateur pour elles.”
Quel élément a déclenché toute cette ferveur, qui aujourd’hui ne cesse de s’accroître ?
“Adidas a tenté un pari en équipant le groupe de hip hop Run Dmc. Ce fut au départ mal vu, mais cela a généré des profits assez conséquents à la marque. La porte était ouverte, il n’y avait plus qu’à entrer. Aujourd’hui, le phénomène « rétro » a réussi à faire revenir quelques marques sur le devant de la scène. Toutes jouent le jeu et ressortent des modèles « iconiques », s’adressant aux nostalgiques mais aussi aux nouvelles générations.”
Il y a beaucoup d’infos dans « Culture Sneaker ». Combien de temps avez-vous mis pour réunir autant de données ?
“Il m’a fallu une année pour finaliser l’ensemble. Il s’agit du fruit récolté après de nombreuses rencontres, de nombreux voyages. J’y suis allé au culot et malgré quelques difficultés, j’ai réussi à obtenir le produit que je souhaitais. J’avais envie de quelque chose de vivant, de surtout pas redondant. Les retours sont plutôt positifs, il y a eu quelques critiques mais elles me font avancer. A présent, je voudrais refaire de même avec la culture sneakers, mais en abordant un angle inédit. Je connais désormais les démarches et j’ai l’énergie nécessaire car je suis convaincu que c’est une bonne idée.”
Tout cela, en ayant une profession en parallèle …
“Le reste du temps je suis consultant, alors j’écris en dehors de mes heures de travail, surtout la nuit. J’aime beaucoup la littérature et les voyages, c’est ce qui m’a poussé à faire partager mon expérience, d’ancrer tout cela dans le temps. Je n’ai bénéficié d’aucun soutien d’une quelconque marque car je ne voulais pas d’un catalogue publicitaire. Ma maison d’édition actuelle m’a contacté grâce au site www.sneakers-culture.com que j’anime depuis 2012. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’aspect sociétal qui est mis en valeur. Cette visibilité m’a facilité certains accès, j’ai pu par exemple, assister à l’anniversaire de Michael Jordan il y a deux ans à New York ou encore faire partie des intervenants choisis par Nike pour figurer sur la vidéo réalisée pour les 30ans de la marque Jordan Brand !”

La mythique “Air Jordan One”
Que représente Michael Jordan pour vous ?
“Michael Jordan, sportivement c’était l’arme absolue ! Il était ce modèle à suivre, une source de motivation dans la vie de tous les jours. On voulait tous s’approcher de son niveau de jeu, moi le premier. J’ai toujours considéré le basket comme un révélateur, un refuge, ce sport m’a transmis une certaine discipline et des valeurs qui se sont répercutés plus tard dans ma vie d’adulte.”
Est-ce que la passion demeure toujours en vous ?
“Je tiens à rappeler que ma génération a été éduquée avec une culture basket minimaliste, il fallait se débrouiller pour trouver des infos sur la NBA. Aujourd’hui avec internet, il y a tellement de moyens pour approfondir ses connaissances, que le consommateur peut avoir du mal à apprécier cette surcharge et considérer cela comme un divertissement. C’est vrai qu’avec le temps, j’ai perdu un peu de ferveur mais je regarde toujours au moins deux matchs par semaine. Difficile de mettre de côté cette habitude. Cela fait partie intégrante de ma personnalité, il m’est impossible d’effacer de ma mémoire tous ces bons souvenirs. J’ai vu des jeunes joueurs faire leurs débuts, puis devenir des grandes stars à l’image de Gary Payton. Cette passion reste tenace.”

Entre M.Jordan & Gary Payton, ce n’était pas l’entente cordiale !
La NBA d’aujourd’hui, là jugez-vous aussi attractive que lors de votre adolescence ?
“Les gabarits ont évolué. Regardez Stephen Curry, il ressemble à Monsieur « Tout le monde » ! Les nouvelles générations de basketteurs ont évolué dans leurs manières de voir le sport. Il y a tellement d’analyses qu’ils ne vivent pas tous leur carrière pleinement. Les egos sont souvent surdimensionnés, les collectifs sont moins mis en valeur. Malgré cela, les règles ont bien changé et les montants des contrats s’envolent. La Ligue (NBA) se plie aux exigences des uns et des autres car il y a autant d’offre que de demande et parce que surtout, c’est rentable ! Tout est calculé ! Avant les équipes pouvaient être comparées à des PME, aujourd’hui ce sont toutes des multinationales.”
Parlons basket en détails désormais. Cleveland fait-il un beau champion ?
“Je pense que oui, car ce titre a été attendu depuis tant d’années ! Quoi de plus beau qu’un leader né dans l’Ohio, pour emmener les Cavaliers vers le trophée suprême. Lebron James a su rendre ses coéquipiers meilleurs et a su prendre ses responsabilités pour les tirer vers le haut.”
Si vous deviez retenir une action la saison dernière ?
“Le contre de Lebron James sur André Iguodala lors du match 7 de la finale NBA entre les Cleveland Cavs et les Golden State Warriors. Il y a tout un résumé dans cette action : la passation de pouvoir entre les deux derniers MVP de la finale et aussi la transition entre deux équipes qui s’étaient déjà retrouvés au même stade en 2015. Cleveland et James ont eu leur revanche, bien qu’ils furent menés 3-1 à un moment. “
Un joueur à suivre cette année ?
” Mon coup de cœur du moment, c’est le spectaculaire Zach Lavine des Minnesota Timberwolves. L’an passé, il a remporté le concours de dunks en 2015 au All Star Game à New York, mais il ne sait pas faire que ça. C’est un travailleur de l’ombre que j’ai pu rencontrer, il ne paie pas de mine, mais il a beaucoup appris depuis première saison dans la Ligue. Cet été, il a élargi sa palette, il s’est trouvé un shoot à mi-distance. Il paraît moins attiré par le panier qu’à ses débuts. Il semble avoir acquis les bases pour devenir plus productif.”
Votre équipe favorite c’est ?
“J’ai toujours aimé les Knicks de New York et j’admire Carmelo Anthony. C’est un super basketteur sur le terrain et en dehors, il n’hésite pas à s’investir pour des nobles causes. D’autres stars n’ont pas autant d’aura que lui. Il n’a pas hésité à s’engager en faveur du Black Live Matter, il a manifesté à Baltimore bien que Jordan Brand (Un de ses sponsors) lui avait déconseillé. Un homme de conviction pour ma part.”
Hormis Michael Jordan, votre idole de jeunesse c’était ?
“Assurément Gary Payton (The Glove) pour sa manière d’être. Il défendait sur l’homme tel un pot de colle et moi j’aimais cela, car j’adorais défendre et perturber l’adversaire. Son placement me faisait rêver, tout comme sa manière de chambrer les autres (un des pionniers du Trash Talk). Ensuite, j’aimais beaucoup le pivot des Cavaliers : Brad Daugherty, qui n’a pas eu la carrière qu’il aurait mérité d’avoir. Je le suivais de près, car il venait de l’université de North Carolina comme Jordan. C’était un pivot à l’ancienne, qui ralentissait beaucoup le jeu, mais qui était très efficace. Malgré les critiques, il a toujours su progresser d’année en année et c’est cela qui fait la différence dans la NBA pour pouvoir durer et transmettre aux nouvelles générations la connaissance du jeu. Je finirai en disant, Il ne suffit pas d’avoir une belle paire aux pieds, il faut surtout l’incarner, ne vous laisser pas distraire par le marketing des marques ou la tendance du moment, appréciez et consommez ce que vous aimez ou encore mieux intéressez vous aux univers connexes de la sneakers que sont la musique, le sport, la mode, la danse, le street art, notamment. La sneaker n’est pas une mode mais une culture…

Max Limol, auteur de “Culture Sneakers”
Culture Sneakers (Editions Hugo Image)
www.hugoetcie.fr
Prix : 17,95 euros
(Propos recueillis par Us-full.com / Crédits photos : Réda Ibrahim)
Un grand merci à Laurent Caramelle, pour nous avoir permis de réaliser cette interview. Les produits photographiés sont disponibles chez “Game Time”, 6 rue Temponières au centre ville de Toulouse.