Révolutionnaire en son époque, le T.A.M.I Show a visuellement marqué l’esprit de nombreux jeunes américains au moment de sa diffusion le 29 décembre 1964. Enregistré en 2 jours, dans les conditions d’un concert, ce spectacle musical offert aux étudiants, a permis au pays de découvrir le gratin de la musique américano-anglaise, avec mention particulière au « Godfather of Soul » : alias James Brown. Beaucoup s’en souviennent …

Une gestuelle mythique
Un contexte en premier lieu
Steve Binder et ses potes du “Steve Allen Show” avait mis les petits plats dans les grands à l’occasion de l’enregistrement de l’inédit T.A.M.I Show (abréviation de Teenage Awards Music International). Un important dispositif bien rôdé, prêt à utiliser les toutes dernières technologies en terme de réalisation. On parle alors du procédé révolutionnaire d’ « Electronovision », qui demeurera ensuite abandonné et même obsolète. Afin de sublimer le contenu du spectacle devenu aujourd’hui une référence, les artistes les plus prometteurs avaient été invités : The Beach Boys, The Supremes, Chuck Berry, Gerry & The Pacemakers, Marvin Gaye et bien d’autres… Pour conclure le show diffusé en prime time pendant les fêtes, l’équipe technique avait réservé du très lourd, sans se soucier des conséquences qu’elles pourraient générer plus tard. The Rolling Stones et leur emblématique Mick Jagger auront le dernier mot, n’en déplaise au capricieux James Brown vexé, qui à sa manière, va prouver qu’il est bien le clou de ce T.A.M.I Show. Le plus naturellement possible, en déployant un pêle-mêle de contorsions invraisemblables à toute vitesse. Depuis son “Night Train” datant de 1961, le gominé a le vent en poupe. Il multiplie les facéties sur scène et sa façon de bouger son popotin, entre progressivement dans la légende : “Je vais tout massacrer !”, le mec a pris le soin de prévenir son entourage, au cas où ils seraient pris par surprise.
Une prestation référencée
Dans la chanson « When the world is running down… », le groupe The Police, par l’intermédiaire son chanteur-bassiste-compositeur Sting, mentionne d’emblée la couleur :
« Turn on my V.C.R. (J’allume mon magnétoscope VCR)
Same one I’ve had for years (Le même que j’ai depuis des lustres)
James Brown on the T. A. M. I. Show (James Brown et sa presta au Tami Show)
Same tape I’ve had for years (La même cassette que j’ai depuis des années)»
S’il y a bien une prestation d’ensemble qui est loin d’être passée inaperçue auprès des nombreux téléspectateurs, c’est bel et bien celle de « Jean Brun », littéralement déchaîné tout au long d’une mise en scène des plus soignées. C’est au T.A.M.I Show que ce dernier aura eu l’idée d’initier le rituel de la cape remise sur ses épaules par Danny Ray, lors du fameux morceau de 1956 : « Please, please, please », évoquant le quotidien d’un homme rongé par le chagrin, épuisé de supplier son ex petite amie. Artiste visionnaire, Brown a une idée pour sa carrière. Il lui faut être unique en son genre s’il veut devenir indiscutable vis à vis d’une vaste majorité, cet ambassadeur culturel tant attendu, par tout un peuple noir lassé de passer au second rang.
Mick Jagger en a pris de la graine
C’est donc dans les studios de l’auditorium de Santa Monica (lieu qui accueillait le T.A.M.I) qu’il a su se mettre minable, au point de laisser tout le monde en état d’hystérie. Ses musiciens The Famous Flames d’abord, habitués aux multiples frasques de leur energumen-ignorant en théorie musicale-, ont dû se rendre à l’évidence. Grâce à l’exemplaire générosité sur scène montrée par le Patron, il ne pouvait qu’accroître leur réputation, lancer plus tard leur projet solo. Les membres du public eux aussi, n’ont pas été épargnés par l’onde de choc, saisissante jusqu’au dernier des orteils. Présent dans la fosse aux côtés des midinettes aux yeux écarquillés, Mick Jagger attendait patiemment son tour, censé représenter l’apothéose, le bouquet final de ce concept de show sans fin. Finalement, il s’est laissé envahir par la fougue son aîné de dix ans tout rond, comme les autres, légèrement complexé par la gestuelle si naturelle du prédécesseur à la peau colorée. Lorsque viendra son tour, il reproduira quelques tricks, assimilés à l’image d’un « Néo » dans Matrix, à la va-vite, ce qui vaudra son pesant d’or auprès de ses fans d’outre-Atlantique appréciant son rock-n-roll si péchu, si insolent. La performance de Brown lui a ouvert la voie. Il a compris ce jour là, qu’à l’avenir, il faudrait vraiment mouiller le maillot et non se cantonner à un rôle de play-boy en faisant du la la la. Il s’est d’ailleurs souvent exprimé sur le sujet (cf: documentaire : Mr Dynamite, the rise of James Brown).
Car en 1964, mettre en avant un artiste de couleur populaire ne convenait pas à tout le monde à l’intérieur même du pays. L’insistance de propulser Jagger au premier plan du T.A.M.I provenait bien de là-haut dans les bureaux, naturellement. Si pendant sa longue et tumultueuse carrière, Brown n’a jamais cessé d’unir les amateurs des pistes de danse (à défaut de disposer d’amis fidèles), grâce à une kyrielle de tubes, pour la plupart construits sur des structures harmoniques basiques (Sex machine en est l’exemple parfait), son influence ne bénéficiait pas d’une telle unanimité au début des 60’s, période pendant laquelle il relançait sa carrière, prêt à aborder le virage funk qui allait tout rafler sur son passage. Mais ses excès ont fini par le rendre incontournable aux yeux de quasi-tous, à force d’une abnégation sans faille, jonchée de remises en question entre deux whiskeys. Abandonné par ses parents, élevé dans une maison close, le jeune gamin du sud s’est battu sans relâche, atteignant au péril de sa réputation souvent ternie par ses comportements grossiers, les plus hauts sommets de la scène internationale à base d’un mélange soul évolutif menant du gospel au funk. Jusqu’à sa mort, le 25 décembre 2006,”Mr Dynamite” aura joui de nombreuses rentes de droits d’auteur en bon capitaliste affirmé, lui qui sera resté un fervent soutien de poids du camp républicain. Il aura également inspiré un stock d’artistes d’horizons divers, comme un certain Mick Jagger, jeune anglais de 21 ans dont le charisme a également dépassé les limites du raisonnable plus tard à travers l’histoire de la musique. A l’image de James Brown, il savait puiser chez les autres, tout en ayant l’intelligence de connaître prématurément les clés d’une réussite assurée. Ils sont ces facteurs X !

Hey James, tu préfères les brunes ou les blondes ? Chez moi, elles sont rousses … “
« Je leur ai appris tout ce qu’ils savent, mais pas tout ce que je sais. » James Brown
(www.us-full.com)