A l’occasion de la 30e édition du festival Jazz en Tête, Antoine s’est rendu sur la Chaîne des Puys avec sa tente et son baluchon pour passer une semaine au rythme des concerts et des jam sessions. Récit d’une aventure aux couleurs cuivrées, à la découverte d’un festival de jazz auvergnat moins connu que d’autres auprès du grand public, mais tout aussi actif sur la qualité de sa programmation.
Jazz en Tête n’en est pas à sa trentième édition pour rien. Étalé sur cinq soirées, le festival auvergnat de jazz propose chaque année une programmation internationale de qualité, n’ayant rien à envier à un Jazz in Marciac par exemple. Avec plus d’une dizaine d’artistes de grande renommée, principalement Américains, nous vous proposons un petit panorama de ces artistes US présents lors de la toute récente édition.
Improvisation et imprévus, la recette du jazz ?
Le premier artiste américain à fouler la scène de la Maison de la Culture fut la chanteuse Charenee Wade. Présente pour la première fois dans un festival en France, la diva nous a proposé un set axé sur son dernier album, « Offering ». Accompagné d’un groupe quatre étoiles, la chanteuse nous a proposés une réinterprétation de la musique du duo Gil Scott Heron/Brian Jackson, où jazz, blues et soul résonnent en une voix unique. A noter d’ailleurs la présence dans le groupe du batteur Ali Jackson, que nous connaissons habituellement aux cotés du « Patron » Wynton Marsalis, mais également du pianiste James Francies, que nous n’allions pas tarder à retrouver. Pour une première soirée, la tonalité musicale est assez variée. Les courants se mélangent pour proposer un ensemble vivant.
Une des facettes importantes du concert, et qui sera un élément quasiment constant de cette édition du festival, est l’aspect unique de chacun. Unique, car une très bonne partie des concerts proposaient une formation qui sortait de l’ordinaire. L’entourage de Charenee Wade avait répété pour la première fois ensemble… lors des balances ! Et c’est ça qui fait que le jazz est une musique encore aussi vivante aujourd’hui. La seconde soirée continuera de montrer cette idée, notamment avec le concert, lui aussi unique, du nouveau duo créé entre le batteur Eric Harland et James Francies.

Charenee Wade
Le duo a proposé, lors de leur set en première partie, un concert d’une modernité assez folle. Thèmes, improvisations se mélangent pendant toute la durée du concert..On entend bien que les deux musiciens sont influencés par le jazz moderne, expérimental et free. Le set a rappelé, par son utilisation poussée des synthétiseurs, celui de Herbie Hancock à la dernière édition de Jazz in Marciac. On pourra noter le clin d’œil effectué par le duetto à Rihanna, avec une reprise de Diamonds.
Jeunesse et histoire du jazz
Un des autres grand thèmes de ce festival, reste la capacité de montrer autant de grands musiciens historiques de jazz que de mettre en avant la nouvelle génération. Et la troisième soirée du festival illustre parfaitement ce propos. De Logan Richardson à Wallace Roney, 20 ans séparent les deux musiciens. Le premier, propose depuis maintenant plusieurs années un jazz moderne et contemporain où l’improvisation figure parmi l’élément central du dialogue musical. Entouré de Joe Sanders et Jeff Ballard, il propose un trio dans l’ère du temps, où la technicité est au service du jazz, parfois un peu trop même !
Wallace Roney quand à lui, fait partie de ces musiciens ayant un pied dans les anciennes générations et dans la génération actuelle. Il est un des derniers musiciens a avoir joué et appris aux coté de Miles Davis. Cet héritage, il le porte, jusque dans la trompette qu’il joue, véritable héritage du musicien. Proposant un hard-bop empli de groove, Wallace Roney joue sur scène un set complet, entouré d’une équipe principalement composée de la nouvelle vague. Ce liant va jusqu’à amener dans ses valises Emilio Modeste, saxophoniste surdoué de 17 ans. Toujours dans cette volonté de passer le flambeaux, Wallace Roney ne s’accapare jamais l’espace, et laisse véritablement les autres musiciens s’exprimer. Classe !

Wallace Roney
Toujours dans cette volonté de mettre en avant à la fois les nouvelles et anciennes générations, la quatrième soirée du festival nous a proposés, dans une couleur musicale différente, un rythme semblable. Avec tout d’abord ce qui restera LE coup de cœur du festival, le concert du groupe des Frères Strickland. Le quintet d’une forme à toute épreuve, envoie un set tout en émotion. Nous avons été transportés dans cette ambiance feutrée de jazz-club. Croisé en coulisse après son concert, Enoch Jamal nous fait part de son engagement en rapport à la situation actuelle des États-Unis. Pas étonnant alors de le retrouver sur son Instagram aux cotés du footballeur Colin Kaepernick. Le morceau « Warriors for Peace », joué lors de cette soirée, est présentée comme une pièce engagée sur son pays.

Marcus Strickland
Lorsque l’on parle de pianiste dans le domaine du jazz, le nom de Donald Brown ressort assez rapidement. Du haut de sa soixantaine d’années, le pianiste était présent ici à Clermont-Ferrand pour la 13e fois ! Habitué, il est venu sur la scène de la Maison de la Culture comme à la maison, et a proposé un set faisant un panorama de l’ensemble de sa carrière. Il n’est d’ailleurs pas venu seul, et à profité de la fête pour amener avec lui le grand Steve Nelson, vibraphoniste de renom, Le saxophoniste Jean Toussaint ou encore le guitariste Ed Cherry, qui a notamment accompagné Dizzy Gillepsie, rien que ça !
Une Clôture surprise !
Pour clôturer cette trentième édition, pas moins de trois concerts ont été proposés par le festival. Après un premier groupe, Massif Collectif, formation locale, le festival annonce un concert surprise. Il s’agira de celui de la chanteuse italienne Roberta Gambarini, qui n’est pas venue seule, et même plutôt bien accompagnée. Eric Harland à la batterie, James Cammack ( side man régulier d’Ahmad Jamal) à la contrebasse et au piano, le légendaire Kirk Lightsey. Le set sera jazz tout public, chanté et doté de grands standards. A noter sa version de On the Sunny Side of the Street, morceau de Louis Amstrong, dont la version de Roberta Gambarini sera par la suite reprise par un certain Sonny Rollins.

un Roy Hargrove concentré
Mais l’artiste le plus attendu, qui clôturera le festival est Roy Hargrove. Difficile de présenter un tel artiste en quelques lignes tant il est majeur dans le jazz actuel. Accompagné de son habituel quintet, où l’on retrouve une des meilleures section rythmique actuelle dans le jazz avec le duo Quincy Phillips et Ameen Saleem. Et là où le set effectué à Marciac a pu nous décevoir, ce concert à Jazz en Tête fut une véritable plongée dans l’œuvre du musicien. Amusé et en pleine forme, Roy Hargrove s’amusera lors de son concert a alterner la trompette, le chant et même la danse ! Le texan proposera d’ailleurs pas moins de deux rappels, finissant son concert sur une note très énergique, où les solos s’enchaînent à une vitesse folle, sans oublier un petit virage par le blues. Rien de mieux pour clôturer un tel festival,où nous souhaitons retourner encore pendant les trente prochaines années.
(Sources : www.us-full.com / Crédits photo : DangerZone)
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